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Un illustre inconnu (sur Ciné + Frisson)

Sortie  le  03/01/2024  

De Matthieu Delaporte avec Mathieu Kassovitz, Marie-Josée Croze, Eric Caravaca, Siobahn Finneran, Olivier Rabourdin, Philippe Duclos et Geneviève Mnich


Sébastien Nicolas a toujours rêvé d'être quelqu'un d'autre. Mais il n'a jamais eu d'imagination. Alors il copie. Il observe, suit puis imite les gens qu'il rencontre. Il traverse leurs vies. Mais certains voyages sont sans retour.

Il y a des scripts et des personnages qui ne se refusent pas, des sujets et surtout des prestations qui permettent à leur(s) interprète(s) de faire une performance remarquable, voire magistrale et même reconnue de tous à l’écran, comme peut en rêver n’importe quel acteur sain de corps et d’esprit ou, si vous préférez, sensé. Il semble que Mathieu Kassovitz, la tête bien sur les épaules ces temps-ci (il enchaine presque film sur film), ait trouvé l’un des rôles les plus troublants de sa vie qu’il porte ici à bout de bras – et de hauts -, celui d’un homme-caméléon qui, pour combler le vide de son existence ou plutôt pour fuir sa non-existence qu’il supporte de plus en plus mal depuis une quarantaine d’années, se transforme intégralement en quelqu’un d’autre, en fait n’importe quel quidam croisé au hasard de ses rencontres inopinées. De ce dernier, il va scruter les moindres détails, jusqu’à absorber son identité toute entière (allure, comportement, gestuelles, costume, voix, habitudes, etc...) – et dans tous les sens du terme -, prenant vie à travers cette personne, bref, en devenant un double, un autre soi-même : en un mot, lui (« lui, c’est moi et moi, c’est lui »).
Encore faut-il savoir, quand on est un solitaire effacé, en retrait, discret, timide, ennuyeux et étriqué au possible (« quand on le regarde, on ne voit rien »), connaître tout l’art de la transformation, sachant parfaitement comment se grimer et réussir méticuleusement à se métamorphoser, au point de ressembler trait pour trait à cet autre, mutilation comprise ? Voilà donc Mathieu Kassovitz déguisé en imposteur de haute volée qui sait fait pour l’occasion une « tronche de l’emploi » bel et bien de circonstance, certes sans aucun relief ni véritable aspérité et encore moins de réelle personnalité dans la vie de tous les jours – un peu d’ailleurs à l’image de son travail comme de sa maison de banlieue – mais d’une efficacité redoutable lorsqu’il s’agit de recopier à l’identique son prochain (« je suis différent donc je suis comme tout le monde »), capable de faire semblant avec un mimétisme flagrant auprès des proches de sa « victime ». C’est notamment ce cas précis – le danger d’être reconnu - qui va jouer des drôles de tours à cet usurpateur patenté.
Si Mathieu Kassovitz porte littéralement cette production sur ses épaules, éclipsant au passage quasiment tous ses autres partenaires, relégués pour la plupart à des apparitions limite furtives pour certains, il le doit au réalisateur Matthieu Delaporte (La jungle et, bien sûr, le célèbre Le prénom sur un scénario d’Alexandre de La Patellière, à nouveau le même qu’ici !) qui lui aussi excelle dans un autre art, celui de nous balader à travers une sorte de thriller aussi mystérieux qu’intriguant, sacrément bien ficelée et pleine de surprises, et cela malgré des petites longueurs, s’attardant sur des parties un peu trop démonstratives et explicatives, qu’il installe confortablement alors que les américains auraient employé les grands moyens à coups de scènes rapides et d’un montage cut. Qu’importe, le résultat est impressionnant d’intensité, nous tenant en haleine pendant quasiment 2 heures. En résumé, « si cette histoire n’avait pas existé, il aurait bien fallu qu’elle germe ou du moins qu’elle vive un jour ou l’autre au cinéma » ! Voilà qui est fait....

C.LB



 
 
 
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