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Room (sur Canal + Cinéma)

Sortie  le  24/04/2021  

De Lenny Abrahamson avec Brie Larson, Jacob Tremblay, Joan Allen, William H Macy, Sean Bridgers, Amanda Brugel et Cas Anvar (sur Canal + Cinéma les 24 et 26/04)


Jack, 5 ans, vit seul avec sa mère, Ma. Elle lui apprend à jouer, à rire et à comprendre le monde qui l’entoure. Un monde qui commence et s’arrête aux murs de leur chambre, où ils sont retenus prisonniers, le seul endroit que Jack ait jamais connu. L’amour de Ma pour Jack la pousse à tout risquer pour offrir à son fils une chance de s’échapper et de découvrir l’extérieur, une aventure à laquelle il n’était pas préparé.

Comment traiter d’un sujet toujours d’actualité plutôt délicat, voire assez épineux et même très risqué, d’autant plus qu’il pourrait très bien être inspiré de faits réels (on pense à l'affaire Elisabeth Fritzl dans cette adaptation du roman de l’irlandaise Emma Donoghue), sans tomber dans le sordide, le graveleux ou le voyeurisme le plus bas ? C’est là toute l’astuce et la subtilité de ce scénario dramatique qui évite les écueils « gros comme ça » - un ravisseur pédophile kidnappe une jeune fille mineur, la séquestre et la viole avant que cette dernière n’accouche d’un petit garçon qui va grandir à ses côtés, totalement cloîtrés et isolés de l’extérieur dans une chambre (« room » en anglais) entièrement insonorisée d’une vingtaine de m2 - pour mieux se focaliser sur l’enfant, son regard comme son point de vue sur cet intérieur fort restreint qui l’entoure – et aussi minime soit-il (4 murs, un lit, une table, 2 chaises, un placard, un lavabo en guise d’évier, une baignoire pas loin d’un petit four de cuisine et un velux faisant office de fenêtre, le tout fermé par une porte blindée avec un code sécurisé - avant de s’éveiller au reste du monde après s’être échappé de sa tanière grâce à un subterfuge de sa mère.
Ainsi planté, ce décor en huis clos pourrait nous paraître angoissant, étouffant, nous donner une sensation de malaise, des nausées ou des frissons dans le dos si cette maman et son garçon (qui ressemble à une fille tant ses cheveux sont longs !) n’étaient portés l’un vers l’autre par un même sentiment d’amour et de respect réciproque, où, chose incroyable et surprenante, le « mental domine le corps ». Leur seul contact avec l’univers extérieur est une télévision qui renvoie chez l’enfant une impression d’irréalité et de choses plus ou moins fictives, le poussant parfois à traiter sa mère de menteuse lorsque celle-ci essaye de lui expliquer le pourquoi du comment, afin d’essayer de bien séparer le vrai du faux.
On est bien obligé nous aussi de nous poser des questions, parfois les mêmes que l’enfant face à la peur de l’extérieur, si nous devions nous aussi nous retrouver dans la même situation que lui (et elle à fortiori !), d’autant plus quand ses deux-là (re)prennent enfin le chemin de la liberté. En effet, on est en droit de se demander comment ses captifs vont-ils, une fois libérés et chacun à leur manière, appréhender le monde du « dehors », s’adapter à un environnement dit normal mais encore complètement inconnu et même inimaginable pour ce garçon de 5 ans qui n’a connu, à travers des histoires imaginaires, qu’une seule et unique pièce « protectrice » dans sa courte existence de môme ? Le retour à la vraie vie ne se fera pas sans un certain temps d’acclimatation, d’assimilation et surtout d’interprétation, tout en évitant de subir l’après coup et de s’isoler face à cet environnement bien plus grand que lui.
C’est justement là tout le pari réussi de cette production originale - au concept nouveau, à la réalisation sobre mais parfaitement maîtrisée (bravo à Lenny Abrahamson, déjà responsable d’Adam & Paul, Garage, What Richard did, et Franck !) et à la caméra fluide, toujours en mouvement - qui sort un peu des sentiers battus, montée comme un thriller palpitant mais, en fait, plus proche d’une étude de survie, des comportements d’humains emprisonnés dans un contexte bien voire très particulier puis sortis pour débouler dans un tout autre « espace » bien plus impressionnant et sans doute plus dangereux que le précédent, surtout quand les gens tentent de s’ouvrir à eux à travers des questions troublantes.
Le choix des acteurs (autant Brie Larson, vue dans Greenberg, Don Jon, States of Grace et Crazy Amy, déjà récompensée d’un Golden Globe et nommée aux prochains Oscars pour cette formidable et néanmoins difficile prestation de « mauvaise » mère dépressive, que le jeune Jacob Tremblay, aperçu dans Les Schtroumpfs 2 et surprenante révélation dans la peau de ce garçon inconscient de la vie cruelle qui l’entoure et qui s’interroge sur ce qu’il voit afin de continuer à vivre, sans oublier bien sûr le reste du casting) était primordial pour que l’on puisse croire entièrement à cette histoire tout à fait plausible et crédible. Voilà donc un film intimiste, bouleversant, fort intelligent mais pas larmoyant le moins du monde, qui se pose les bonnes interrogations, en nous montrant notamment que d'un acte horrible peut naître le meilleur, tout en nous tenant en haleine pendant presque 2 bonnes heures....

C.LB



 
 
 
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