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Training day (sur Canal + Grand Ecran)

Sortie  le  26/06/2022  

De Antoine Fugua avec Denzel Washington, Ethan Hawke, Scott Glenn, Cliff Curtis et Dr.Dre (sur Canal + Grand Ecran les 26 et 28/06 + 01, 02 et 05/07)


Jake est un jeune bleu, idéaliste et naïf, qui a rallié la police de Los Angeles dans l’espoir de servir la justice et la cause des honnêtes gens. Décidé à passer inspecteur, il sollicite une mise à l’essai de 24h, un « training day », auprès du sergent chef Alonzo, un vétéran de la lutte antidrogue qui opère depuis une douzaine d’années dans les quartiers les plus durs de la ville. Homme de terrain aguerri, Alonzo en impose autant par son physique et son self-control absolu que par son humour acide et dérangeant, ses tenues et accessoires dignes d’un mac ou d’un dealer. D’emblée, il s’amuse à faire monter la pression, traitant Jake en gamin, le bousculant, raillant sa candeur et son inexpérience. Commence alors l’examen de passage : une longue et périlleuse tournée à travers les bas-quartiers aux côtés d’Alonzo, les premiers contacts, rudes, avec la rue, les dealers, les usagers, les informateurs, la découverte d’un monde trouble…

On aura beau dire mais les films américains ont quand même une sacré classe ! Ce n’est pas nos petits films sur la zone et les vendeurs de came qui arriveront à la cheville de ces productions U.S. hyperréalistes où les acteurs s’initient patiemment au rôle qu’ils doivent jouer pour coller le plus possible à la véracité de leur personnage. Quand une major a décidée d’y mettre le paquet, on peut dire qu’elle voit grand et réalise les choses avec un budget adéquat. En effet, il y a ici tous les ingrédients pour satisfaire la curiosité de tout fan de cinéma d’action : un scénario qui tient la route (l’apprentissage d’un jeune policier dans le milieu des dealers), des acteurs chevronnés (2 stars, Denzel Washington et Ethan Hawke) accompagnés de quelques curiosités « très couleur locale » (le producteur musical Dr.De et les chanteurs de rap, Snoop Dogg, et de hip-hop, Macy Gray, qui font ici pratiquement leurs premiers pas devant une caméra), avec juste ce qu’il faut de dialogues explicatifs, de regards intenses et de scènes rythmées pour que la sauce prenne. Vous voyez, c’est pas compliqué, encore faut-il se donner les moyens, bien sûr ! Il est vrai que l’image est soignée, les acteurs tout à fait crédibles, les seconds rôles aussi, le sujet avec des rebondissements au bon moment, un peu de violence sans tomber dans le gore ou le trash, et un final bien évidemment moralisateur pour que l’honneur soit sauf, l’ordre rétabli et que la justice reprenne ses droits. Bref, juste ce qu’il est nécessaire de présenter encore aujourd’hui au cinéma pour ne pas trop décevoir les spectateurs du monde entier en attente de sensations fortes et pour rester dans les normes légales du politiquement correct. Voilà ce dont le cinéma américain est prêt à sortir et à nous envoyer dans les mois, voire peut-être les années, à venir après ce qui s’est passé le 11 septembre dernier. Il ne faudra pas espérer pour l’instant voir des films plus violents, par exemple sur le terrorisme, les explosions aériennes ou autres catastrophes en tout genre (style Die hard), qui rappelleraient ces évènements récents. Prenons notre mal en patience et dégustons comme il se doit cette histoire pas franchement originale mais pourtant bien enlevée : une vision réaliste de la guerre permanente que se livrent les résidents des quartiers chauds, les dealers, et ceux qui ont pour mission de protéger les honnêtes gens, les policiers. C’est sûr, vous avez au moins déjà tous vus au cinéma 2 policiers qui essayent de maintenir la paix dans les rues et de protéger la population contre la vente de stupéfiants. Au lieu de tout cela, nous avons à faire à un vieux de la vieille qui décide d’apprendre à un petit jeune les rudiments de la vie dans le milieu des revendeurs jusqu’à devenir lui-même un truand fanatique. On apprend comment se comporter dans ce genre de milieu grâce au « professeur » Denzel Washington (Couvre-feu, Bone collector, Hurricane Carter, Le plus beau métier du monde), l’habituel sauveur de la veuve et de l’orphelin qui nous sort cette fois-ci la parfaite panoplie du « very bad boy » ! Enfin, pour une fois, il rompt net avec ses rôles de bons et de héros pour endosser l’habit sombre du mauvais garçon qui heureusement va être puni pour être aller trop loin, du mauvais côté de la force on pourrait dire ! Il fera si bien son travail de flic qu’il y laissera son âme. Se considérant comme un héros et non comme un salaud, il est convaincu de rendre service aux gens et d’agir pour le mieux. Il en fait un peu trop comme à son habitude, même s’il est assez nuancé dans son personnage : il déconcerte et intimide les méchants avec un aplomb surprenant. On y croit et on le laisse faire puisque c’est son style et son fond de commerce depuis qu’il fait du cinéma ! Face à lui, Ethan Hawke (Bienvenue à Gattaca, De grandes espérances, Hamlet) joue l’apprenti candide, le novice vulnérable qui découvre avec stupeur le monde de la rue. Lui si droit, il croit dur comme fer en la justice mais avec son coéquipier chef, il se pose des questions sur ses propres valeurs et motivations. Il navigue en pleine dualité et il a bien des difficultés à juger rapidement le bien du mal chez son partenaire. Il faut dire que pendant 2h, il voit ce dernier harceler ses « clients », les piéger sous de fallacieux prétextes, leur extorquer drogue et argent, sans qu’il s’indigne plus que cela ou qu’il réagisse énergiquement. Il faudra attendre les dernières minutes pour qu’il bouge réellement. Dire que tout cet apprentissage se passe en une seule journée, paraît incroyable, aberrant même, mais je vous rappelle que c’est une fiction…basée pourtant sur des faits réels ! Il semble que les situations de plus en plus tendues et dangereuses que vont vivre ces deux-là en presque 24h ont de quoi nous impressionner par rapport à ce qu’il se passe chez nous. Outre-Atlantique, les policiers ne chôment pas et questions pressions, traquenards, violences et meurtres, on est loin du compte de notre côté. De plus, là-bas, les policiers ripoux sont presque intouchables et les nouveaux engagés sont là pour essayer de faire un peu le ménage dans les bavures, les abus de pouvoir, les extorsions de fonds, les délits et mises en examen, les magouilles. La nouvelle génération de policiers a du travail sur la planche si elle veut rester propre. Tout cela peut vous paraître plein de bons sens et vous faire aussi doucement rigoler, mais je suis sûr que c’est cette image nette et claire que veut laisser derrière lui ce film un tantinet propagande face au problème. Il y a une justice et tout doit rentrer un jour ou l’autre dans l’ordre, n’est-ce pas ! La guerre des polices est en marche et ne se reposera que lorsqu’elle aura supprimée tout doute ou toute velléité de la part de certaines brebis galeuses. Ce jeu du chat et la souris entre policiers et criminels, qui se livrent un combat acharné et incessant en rivalisant d’agressivité, est certes révélateur d’un problème de plus en plus croissant aux Etats-Unis, mais ne doit pas occulter d’aucune façon ce qui se passe au sein même de la police. Une bonne répression dans ses rangs et le maintien de l’ordre serait sans doute rétabli, mais pour combien de temps ? Doit-on s’en remettre à des protecteurs dont la violence rivalise avec celle des malfrats qu’ils sont supposés combattre ? Cette guerre intestine au cœur des villes américaines est un fléau où la police et les communautés s’entre-déchirent dans des scandales répétés. Une situation explosive qui demande à être traitée de toute urgence. Le film illustre avec réalisme (quasi documentaire) les comportements et la mentalité des forces de police, et montre les origines et les suites de telles actions. Malgré une manière assez particulière de jauger les capacités et d’examiner les aptitudes de son coéquipier de façon énergique, un peu trop expéditive tout de même, voilà pourtant un beau film bien nuancé et d’une densité dramatique rare sur un fait de société, qui comporte ici presque plus de dialogues que de scènes d’action. En effet, le réalisateur Antoine Fuqua (Un tueur pour cible) a une vision réaliste et sans concession de l’enfer urbain. Aussi brillant dans les scènes d’action non-stop que dans les affrontements verbaux qui vont transformer radicalement notre héros, il restitue avec un dynamisme percutant le quotidien des policiers exposés à la violence des dealers, dans l’esprit des films policiers comme Serpico et Un après-midi de chien. Voilà un film qui va nous inciter à la réflexion et au dialogue sur le monde de la police d’aujourd’hui, bien loin des clichés d’antant.



 
 
 
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