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Silence

Sortie  le  08/02/2017  

De Martin Scorsese avec Andrew Garfield, Adam Driver, Liam Neeson, Tadanobu Asano, Ciaràn Hinds, Yôsuke Kubosuka et Yoshi Oida


XVIIème siècle, deux prêtres jésuites se rendent au Japon pour retrouver leur mentor, le père Ferreira, disparu alors qu’il tentait de répandre les enseignements du catholicisme.
Au terme d’un dangereux voyage, ils découvrent un pays où le christianisme est décrété illégal et ses fidèles persécutés. Ils devront mener dans la clandestinité cette quête périlleuse qui confrontera leur foi aux pires épreuves.


Il est indéniable, voire irréfutable que le réalisateur et scénariste américain Martin Scorsese a marqué fortement de son empreinte le 7ème Art et continuera, on l’espère bien, à le faire pendant encore de très longues années. Ses audacieux choix cinématographiques en sont la preuve et ne sont pas à remettre en question, loin de là, tant il a touché à pratiquement tous les genres existants avec succès, que ce soit le drame intimiste (Alice n’est plus ici), le drame psychologique (Taxi driver) ou le drame intense (Raging bull), l’histoire d’amour (New York, New York), le documentaire (La dernière valse ; Shine a light), la satire (La valse des pantins ; Le loup de Wall Street), le film de gangsters (Les affranchis ; Casino), le thriller (Les nerfs à vif ; Shutter Island), le film à costume (Le temps de l’innocence), le film pour enfants (Hugo Cabret), la fresque épique (Gangs of New York), le biopic (Aviator) ou bien encore le polar (Les infiltrés). Et, en tant que fervent catholique, ses thèmes de prédilection peuvent avoir des notions et des sentiments qui traitent autant de bien que de mal, d’identité que de culpabilité, de rédemption que de machisme, de grandeur que de décadence, de perdition que de violence.
Il était donc évident qu’il allait essayer de tenter de les rassembler en un seul film ou, du moins, qu’on retrouverait sans doute presque tout cela réuni dans l’une de ses prochaines productions, en l’occurrence ici Silence, 2ème adaptation du chef-d’œuvre du même nom de l’écrivain catholique Shūsaku Endō paru en 1966 qui fut une 1ère fois transposé au cinéma par Masahiro Shinoda en 1971. Voilà donc le rêve d’adulte de Scorsese porté à l’écran au bout de 28 ans d’une longue « gestation », qui parle de principes religieux – le titre évoque le silence de Dieu face aux souffrances vécues en son nom -, de questionnements psychologiques et de confusions morales entre le bien et le mal, tout comme il l’avait déjà en partie abordé dans La dernière tentation du Christ (1988) et Kundun (1997). Il est cette fois question de rejet de sa foi comme de reniement de ses vœux ou, si vous préférez, d’écraser Dieu – au sens figuratif - et d’abandon de la foi chrétienne, de persécutions de chrétiens autant d’origine japonaise que les rares missionnaires européens présents sur l’île en ce temps-là, de scènes de torture - art savamment orchestré par des inquisiteurs aussi pervers que sadiques -, de commandement au nom du Divin, bref, de bel et bien risquer sa vie pour évangéliser le Japon au milieu des années 1600.
Mais là où on aurait pensé pour ne pas dire espéré voir une sorte de « Mission » de Roland Joffé (sorti en 1986), style drame historique mature et intelligemment mis en scène avec ici des jésuites partis à la recherche de l’homme qui ont nourri leur foi et dont ils sont sans nouvelle – 2 émissaires en « goguette » bien décidés à sauver l’âme de ce prêtre disparu -, on assiste à une très (trop) longue suite d’errances de 2 « padres » soumis à dure épreuve, qui honorent Dieu d’une façon orgueilleuse et plutôt contradictoire, portant leur lourd fardeau mentale et morale à vouloir absolument faire la messe à de pauvres villageois terrorisés caricaturaux, ayant plus ou moins faim de spiritualité alors qu’ils vivent, souffrent et meurent comme des bêtes. Aussi impressionnantes sont les prises de vue que parfait est le choix des décors, autant peu prenant et poignant, sans grande profondeur et assez vide d’émotions est ce sujet ambitieux qui lui tient à cœur depuis tant d’années.
La faute à 2h40 sans véritable dureté humaine (bien que violente parfois), ni réel combat « spirituel » (plus de la tristesse contenue), et encore moins d’action ou de bouleversement narratifs (on finit par ressentir une certaine lassitude ambiante), pleines de foi interdite (expiée par une « simple formalité ») mais néanmoins pratiquée avec quelques prières et amulettes en cachette, d’espoirs chevillés au corps de recevoir un « signe » qui désespéramment ne viendra jamais, de la présence de 2 acteurs Andrew Garfield et Adam Driver assez peu charismatiques malgré leur implication déployée et tous les efforts qu’ils mettent en œuvre pour nous faire croire qu’ils sont habités par l’Au-delà ainsi qu’au bien fondé de leur rôle bien miséricordieux, sans oublier d’une fin se soldant par les retrouvailles avec le fameux prêtre défroqué à la dérive (interprété par un « sage » Liam Neeson, à la fois très en retrait, « déc(h)u » et apeuré) tenté par puis passé du côté obscur du bouddhisme, le tout ponctué régulièrement d’une voix off très bavarde. Si visuellement, rien n’est à jeter, scénariquement, il y a une sacrée copie à retravailler et surtout à sérieusement épurer...

C.LB



 
 
 
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