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Souffler plus fort que la mer

Sortie  le  10/05/2017  

De Marine Place avec Olivia Ross, Aurélien Recoing, Corinne Masiero, Annie-France Poli, Loïc Baylacq et Yan Tassin


Julie et ses parents, Loïc et Louison, vivent sur une petite île au large de la Bretagne. Julie aide son père sur le bateau de pêche familial, « L’indomptable ». Dans ses temps libres, elle joue du saxophone et accompagne Théodore, le prêtre du village. Face aux dettes, Loïc décide de se séparer du bateau contre une prime à la casse. Sans leur activité, la famille se retrouve au dépourvu, perdue dans cette nouvelle vie sans bateau. Julie s’accroche à son saxophone pour dépasser le sentiment de submersion qui l’envahit peu à peu…

Pour bel et bien profiter de ce drame franchement social, vous avez tout intérêt à savoir apprécier à sa juste valeur le nord-est de la France (et plus précisément l'île d'Hoëdic dans le Morbihan, lieu de tournage où se déroule toute l’histoire), la pêche (l’activité professionnelle plutôt difficile et précaire du père) et la musique (l’occupation première pour ne pas dire passe-temps principal de sa fille). Loin d’être une version revue et corrigée de La famille Bélier question musique (la jeune héroïne ici joue de la clarinette), on retrouve un peu l’esprit de la fratrie aimante et soudée mais cette fois en pleine remise en question, devant affronter leur banque récalcitrante à les aider et une procédure de saisie d’un huissier de leurs biens chez cette tribu au pied du mur (« la crise économique arrache les bateaux ») lors du surendettement du paternel, marin-pêcheur incapable de sortir la « tête de l’eau ».
Sans vouloir faire à tout prix un jeu de mots facile, sachez que cette chronique intimement communautaire, autour d’un clan touché de plein fouet par une conjoncture malheureusement on ne peut plus d’actualité, se focalise sur les affres du dur labeur effectué à la sueur de son front, façon mélo(drame) et à grands coups d’une mise en scène calme, posée, sans trop d’effets (sauf spéciaux assez réussis), tournée au plus près du regard soucieux et du caractère bien trempé de ces hommes et femmes dans la mouise, à la manière d’un reportage pris sur le vif, le tout sur fond de rites du coin et de chansons typiquement de là-bas. D’ailleurs, pour ce qui est des quelques parties musicales interprétées, elles laissent parfois à désirer, du genre « bœuf » folk expérimental et bizarre plutôt surprenant voire hasardeux, aussi engagé qu’ardu, auquel il faut bien s’accrocher et qui laisserait perplexe plus d’un marin bourru à qui on ne l’a fait plus, accoudé au seul bar de l’« archipel » en forme d’atoll. Bref, à se demander on va se loger parfois l’improvisation !
N’empêche que ces jam-sessions permettent à la charmante Olivia Ross (aperçue dans Je l’aimais, Carlos – saison 1, et Personal Shopper) d’irradier et de s’imposer face à d’excellents acteurs, notamment Aurélien Recoing, vu notamment dans Les fragments d’Antonin, La horde, Mon pire cauchemar, et La vie d’Adèle, et Corinne Masiero, présente entre autres dans Les reines du ring, La marche, Lulu femme nue, Discount, et L’hermine. Elle essaye de surmonter la situation en se réfugiant dans la musique, au point d’ailleurs de casser les oreilles de tout le monde, avant de prendre son propre envol et de vivre enfin ses rêves (passage inévitable à l’âge adulte d’une adolescence innocente en quête d’épanouissement) et, ainsi, de tenter le projet certes un peu risqué mais salvateur d’échapper enfin à la folie ambiante qui règne sur cet îlot perdu (un choix de vie pour s’éloigner de sa propre famille sans ressentir le moindre dilemme de l’abandonner).
Même si vous avez l’impression d’être dans un téléfilm plus ou moins amélioré, il ne faut surtout pas bouder ce 1er long métrage de Marine Place, au charme bucolique et sans aucune prétention sur un monde rural méconnu de taille humaine, qui arrive à jouer la carte de l’émotion juste, tendre et généreuse, tour à tour profonde, sincère, prenante et intense, sans forcément tomber dans l’inévitable « tire-larmes » ou alors nous servir le bon gros pathos de service comme tant d’autres l’ont déjà fait avant elle....

C.LB



 
 
 
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