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Dora ou les névroses sexuelles de nos parents

Sortie  le  07/06/2017  

De Stina Werenfels avec Victoria Schulz, Jenny Schily, Lars Eidinger, Urs Jucker, Inga Busch et Thelma Buabeng


Dora a 18 ans et a un handicap mental. Elle est couvée par ses parents, particulièrement sa mère Kristin. Un jour Dora rencontre un homme qui lui plaît, et rapidement, ils ont une relation sexuelle. Malgré la réprobation de ses parents, Dora continue à le fréquenter et à partager avec lui des moments d'une sensualité complètement débridée. Tandis que sa mère essaie sans succès d'avoir un deuxième enfant. Dora tombe enceinte...

Il est plutôt assez rare de voir des films suisses en France, alors, quand il en arrive un et, de plus, quand il est bon, il ne faut surtout pas bouder son plaisir ni passer à côté, d’autant qu’ici, c’est un drame poignant, impeccablement joué, filmé avec une économie de moyens mais avec une démonstration de la propre vision et une approche des impressions personnelles que peut avoir et vit la protagoniste principale du monde environnant et des choses qui l’entourent, une fille pas très vive, dite « retardée », voire « attardée » et même « demeurée » ou, si vous préférez, juste un peu « différente », magistralement interprétée par la jeune comédienne Victoria Schulz. Pour ce tout 1er rôle, cette dernière porte littéralement l’histoire sur ses épaules avec un mimétisme bluffant, véritable performance d’actrice à elle toute seule.
Ce long métrage de la réalisatrice suisse-allemande Stina Werenfels (Nachbeden plus quelques documentaires), adapté d’une pièce de théâtre, remarqué à la dernière Berlinale et récompensé par le Grand Prix du Jury au Festival International du Film de Femmes de Créteil ainsi que le Prix d’Interprétation pour Victoria Schulz, filme au plus près de son personnage central à travers ses faits et gestes, tout en nous plongeant dans l’univers de cette jeune fille spontanée qui s’épanouie, devenant petit à petit indépendante tous ses sens en éveil, et qui va s’émanciper peu à peu à l’écart de ses parents certes envahissants (ils la baguent pour mieux la suivre à la trace) mais néanmoins très aimants, voire parfois légèrement étouffants, posant des questions, réagissant à sa façon devant ses sentiments nouveaux comme exaltée face ce qu’elle ne comprend pas toujours, ni complètement et encore moins tout de suite.
Loin de vouloir absolument montrer une image pas très saine, aussi décomplexée qu’hallucinée, de cet état physique vulnérable, ou bien alors de vouloir choquer à tout prix dans une certaine dépravation ambiante et dégradante ici plus ou moins édulcorée, cette production pour le moins osée, assez rude et crue par moment, sans presque aucune concession, en un mot, sous pression dans tous les sens du terme, est d’une spontanéité inouïe, d’un réalisme flagrant et d’une crédibilité probante, aux antipodes du reportage sociologique. On le doit essentiellement à un casting marquant et parfaitement au diapason, surtout en la personne de l’amant de Dora (sous les traits de Lars Eidinger, vu notamment dans Sils Maria d’Olivier Assayas), particulièrement impressionnant d’ambigüité, de perversité, limite dérangeant. En résumé, une très bonne surprise qui nous vient de l’autre côté des Alpes françaises....

C.LB



 
 
 
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