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Les filles d’Avril (sur Ciné + Club)

Sortie  le  21/02/2021  

De Michel Franco avec Emma Suàrez, Ana Valeria Becemil, Enrique Arrazon, Joanna Larequi, Hernàan Mendoza et Ivan Cortes (sur Ciné + Club les 21, 27 et 28/02)


Valeria est enceinte, et amoureuse. A seulement 17 ans, elle a décidé avec son petit ami de garder l'enfant. Très vite dépassée par ses nouvelles responsabilités, elle appelle à l'aide sa mère Avril, installée loin d'elle et de sa sœur. À son arrivée, Avril prend les choses en mains, et remplace progressivement sa fille dans son quotidien... Jusqu'à franchir la limite.

Il n’y a pas ou, du moins, plus beaucoup de morale en ce bas monde et le drame proposé ici nous le démontre amplement ! D’ailleurs, le cinéma mexicain s’en est fait en quelque sorte une spécialité ces derniers temps, surtout depuis notamment Amours chiennes d’Alejandro González Inárritu en 2000 suivi de Babel en 2006, Le labyrinthe de Pan de Benicio del Toro la même année, L’orphelinat de Juan Antonio Bayona en 2008, Sin nombre de Cary Fukunaga un an plus tard, Dias de gracia d’Everando Gout en 2012, Heli de Amat Escalante en 2014, sans oublier Despuès de Lucia de Michel Franco sorti en 2012, lui qui réitère cette fois encore l’un de ses sujets de prédilection, les rapports particulièrement dysfonctionnels, parfois difficiles pour ne pas dire houleux qui peuvent sévir entre parents et enfants. Ce dernier, également scénariste et producteur déjà responsable de Daniel & Ana, A los ojos et Chronic, n’y va pas par 4 chemins pour nous raconter les agissements de ses protagonistes principaux, filmant, découpant et montant d’une manière distante, froide presque chirurgicale, les agissements on ne peut plus douteux d’une mère possessive vis-à-vis de ses 3 filles - surtout une, fille-mère à 17 ans - et « petite-fille ».
Sans trop rentrer dans les détails qui enlèveraient tout suspense à cette histoire diabolique sans véritable état d’âme, sachez seulement qu’il est question d’une mère (interprétée par l’espagnole Emma Suàrez, présente entre autres dans Vacas, L’écureuil rouge, Tierra, et Julieta), certes absente mais en apparence « cool », qui veut mettre la main sur tout jusqu’à s’accaparer le fruit des entrailles de l’une de ses progénitures mineures comme si elle désirait elle-même redevenir d’une façon ou d’une autre une maman après toutes ces années. Là-dessus, si vous rajoutez le besoin de jouer la « cougar » auprès du très jeune et fort vulnérable père du bébé et de vivre avec lui comme si de rien n’était, vous commencerez à avoir une petite idée et une certaine opinion de ce qui vous attend à l’écran ! Avec souvent de longs plans séquences et sans aucune BO à l’appui, l’atmosphère un tant soit peu lourde et « malsaine » s’installe progressivement et inexorablement dans cette famille apparemment aisée mais quelque peu oisive sans être pour autant désœuvrée, à la fois insouciante et irresponsable face à plusieurs responsabilités, obligations et décisions à prendre comme si chacune, acculée ou laissée pour contre, s’en détachait, personne ne voulant assumer ni vraiment prendre en charge soit l’un soit l’autre des intervenants.
Bref, il règne dans ce long métrage une ambiance très singulière pas loin de celle vue dans les films de Michael Haneke, peu humaniste, sans complaisance, jamais forcée, presque embarrassante limite sadique et même cruelle par moment, mélange d’espoirs attendus mais pour l’instant retenus, d’émotions sourdes comme de sentiments contenus, de non-dits enfouis, de mensonges jamais évoqués, d’indifférence soulignée, de silences complices, de manigances ourdies dans l’ombre sans avoir besoin d’explications à dire, de réactions prises sans réels repères ni engagements sérieux à proprement parlé, et de rythmes lancinants de par une caméra au demeurant assez statique. Il y aurait comme péril en la demeure lorsque l’enfant paraît que ça ne nous étonnerait pas trop ! C’est sans doute tout cela qui a permis à ce long métrage inattendu, crédible et maîtrisé à la perfection, de remporter le Prix du Jury d’Un Certain Regard au dernier festival de Cannes....

C.LB



 
 
 
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