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La belle et la meute

Sortie  le  18/10/2017  

De Kaouther Ben Hania avec Mariam Al Ferjani, Ghanem Zrelli, Noomane Hamda, Mohamed Akkari, Chedly Arfaoui et Anissa Daoud


Lors d'une fête étudiante, Mariam, jeune Tunisienne, croise le regard de Youssef.
Quelques heures plus tard, Mariam erre dans la rue en état de choc.
Commence pour elle une longue nuit durant laquelle elle va devoir lutter pour le respect de ses droits et de sa dignité. Mais comment peut-on obtenir justice quand celle-ci se trouve du côté des bourreaux ?


C’est un très vaste et délicat sujet abordé que le viol, aussi problématique qu’épineux, aussi complexe que récurrent, qui malheureusement sévit encore aujourd’hui un peu partout dans le monde, notamment dans des pays qualifiés d’arriérés qui ne respectent pas pour ne pas dire qui dénient totalement le respect des droits élémentaires d’un citoyen digne de ce nom, limite essentiels à tout être humain qui se respecte, où l’homme reste toujours privilégié, le seul garant du pouvoir et l’unique décisionnaire de ce qui est légal ou pas, de ce qui est écrit ou dit, de ce qui doit être bien ou mal, bref, de faire comme bon lui semble et selon son bon vouloir quitte à être méprisant ou indifférent. Et quand un film ose aborder cet acte « barbare », dit d’un autre temps, de plein fouet mais sans violence physique d’aucune sorte (sauf morale ici à l’écran) comme par exemple dans Irréversible de Gaspar Noé (cette fois, rien n’est montré, tout est suggéré !), c’est un pavé supplémentaire envoyé dans la marre à la face d’une société machiste et à tous ceux qui ont osé bafouer la liberté d’autrui, user de la plus fondamentale des lois au nom d’une coutume ancestrale ou d’une quelconque constitution, voire d’une légitimité propre au nom de certaines idéologies ou religions existantes en ce bas monde.
Sans être complètement engagé dans un discours rebelle ou militant féministe à outrance ni vraiment radical dans un message cinématographique banalisant à portée plus ou moins « grand public », cette tragédie qui se déroule devant nous lors d’une « nuit d’enfer », n’en est pas moins un plaidoyer, une action supplémentaire ajoutée à l’édifice des conditions de maltraitance infligées aux femmes, ainsi que des dérapages qui pullulent souvent ici et là, finissant la plupart du temps en faits divers dans des journaux. On passera sur le fait que les acteurs principaux inconnus chez nous, assez convaincants dans une démarche pleine de courage, d’obstination et de résistance, surjouent un peu parfois, que ce soit à travers leurs réactions à l’hôpital (personne ne s’occupe d’elle lorsqu’elle vient demander un certificat officiel de « violation » pour pouvoir porter plainte par la suite, et continue à en prendre pour son grade tout au long de son calvaire nocturne, entre humiliation et violence verbale) ou au poste de police (chacun y met son petit grain de sable, quitte à bien en rajouter sur les bords).
Quoi qu’il en soit, grâce à plusieurs longs plans séquences aussi réels que possible et d’une certaine intensité émotionnelle, la réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania (plus habituée à tourner des documentaires tels que Le challat de Tunis) nous plonge dans un univers administratif assez kafkaïen et particulièrement aberrant mais pourtant si authentique à bien des égards, entre autres, celui qui réside dans ce poste de police où tous les prétextes ambigus sont bons pour manipuler, intimider, terroriser et même traumatiser une victime innocente à la fois fragile et impuissante, plus incroyable et invraisemblable à nos yeux que ce qu’il peut exister en France (bien que de ce point de vue-là, il y a parfois à redire autour de bévues !). Et pourtant, c’est la triste réalité que nous offre cette fiction à forte tendance théâtrale sur fond « de sarcasmes et de ton malsain », d’autant qu’elle est inspirée d’une histoire vraie. En résumé, de quoi fortement éveiller les consciences et faire durablement évoluer les mentalités....

C.LB



 
 
 
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