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Lucky

Sortie  le  13/12/2017  

De John Carroll Lynch avec Harry Dean Stanton, David Lynch, Ron Livingston, Ed Begley Jr., Tom Skerritt, Beth Grant et Jales Darren


Lucky est un vieux cow-boy solitaire. Il fume, fait des mots croisés et déambule dans une petite ville perdue au milieu du désert. Il passe ses journées à refaire le monde avec les habitants du coin. Il se rebelle contre tout et surtout contre le temps qui passe. Ses 90 ans passés l'entrainent dans une véritable quête spirituelle et poétique.

Sachez-le tout de suite, l’acteur principal qui joue dans ce drame, Harry Dean Stanton, est mort à l’âge de 91 ans le 15 septembre dernier à Los Angeles, quelques temps après la fin du tournage de ce film. A le voir ici amoindri, presque l’ombre de lui-même, la démarche hésitante, la silhouette amaigrie à la limite d’un squelette ambulant, le visage émacié, la peau (« du cul ») décharnée, les yeux creusés dans leur orbite, on pouvait un peu se douter que ce long-métrage serait son dernier et, sans (aucun) doute, à titre posthume, son ultime chant du cygne avant de tirer définitivement sa révérence. Lucky, c’est donc cet homme revenu de tout et arrivé quasiment au crépuscule de sa vie, là où les journées se suivent et se ressemblent, qui reproduit au quotidien les mêmes gestes, rabâche les mêmes mots, s’assoit toujours à la même place, et erre dans les mêmes endroits (rues, commerçants,...) de cette petite ville paumée au fin fond du Texas.
Il y a d’ailleurs un peu de Paris Texas là-dessous – du aux beaux paysages désertiques du sud américain, entre autres au début et à la fin de cette production -, comme du Sailor et Lula, du Twin Peaks Une histoire vraie, ainsi que du Inland empire dans l’air – en corrélation bien sûr avec, dans le casting, la participation à ces côtés de son réalisateur fétiche, David Lynch, cette fois présent assez brièvement à l’image. On savait ce dernier acteur à ses heures perdues (aperçu notamment dans Mystères à Twin Peaks, Zelly & me, et Nadja), mais en « vieux » naïf et pleurnichard, fin prêt à tout léguer à sa tortue « terrestre » chérie lorsqu’il aura disparu de ce monde, ça le fait un peu moins. Qu’importe, ils sont cette fois tous bien vieillissant, plus ou moins croulants et cabossés par la vie, se réunissant chaque soir dans le même bar tenu et peuplé par une catégorie de personnes assez proches d’eux, c’est-à-dire réservé et composé uniquement de clients âgés ou alors à la retraite, chacun bien décidé à brasser de l’air, à déblatérer sur tout et rien quitte à s’engueuler, et à refaire le monde autour d’histoires, de souvenirs de guerre, de questions existentielles, bref, de conversations de comptoir.
On ne peut pas vraiment dire que ce scénario soit franchement très « vivant » (et pour cause !) ou, du moins, passionnant, ressassant un peu les mêmes choses pendant 1h30, entièrement tourné autour d’Harry Dean Stanton (vu notamment dans She’s so lovely, Las Vegas Parano, La ligne verte, The pledge, Alpha dog, et This must be the place) et de son allure dégingandée qu’il trimballe nonchalamment, la contrariété voire l’inquiétude pour ne pas dire la peur lorsque son corps commence à le lâcher (lui qui a pourtant « une bonne constitution et des gènes formidables », dixit son docteur !), et cela malgré du bon sens en guise de lueur d’esprit et des banalités d’usage à la place de silences gênants. En résumé, un 1er film de John Carroll Lynch (acteur à l’homonyme trompeur, présent entre autres dans Fargo, Zodiac, Shutter island, Gothika, et American horror story) en forme d’hommage, essentiellement porté par la prestation touchante et attachante de cet artiste aussi rebelle qu’inclassable que la mort a rappelé à l’ordre (mais sûrement pas à celui des médecins !)....

C.LB



 
 
 
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