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Yourte (jusqu’au 27 septembre)

le  09/09/2020   au théâtre 13, 30 rue du Chevaleret 75013 Paris (du mardi au vendredi à 20h et dimanche à 16h)

Mise en scène de Gabrielle Chalmont avec Claire Bouanich, Bastien Chevrot, Sarah Coulaud, Louise Fafa, Maud Martel, Jeanne Ruff, Hugo Tejero et Benjamin Zana écrit par Gabrielle Chalmont et Marie-Pierre Nalbandian




Un petit groupe de jeunes, garçons et filles mélangés. Ils ont 10 ans, réfugiés sous une tente. Ils se promettent de toujours être en protestation, et de toujours vivre ensemble dans une grande yourte. 20 ans plus tard, on les retrouve presque trentenaires : il y a Maxime, gourou du management, dont la vie est rythmée par les appels sur son portable, ainsi que ses copains, Isaac et Juliette, joli couple, elle styliste, lui en recherche. Tous incarnent une génération avec ses réussites et ses doutes.
A la faveur d’une invitation d’Hélène, la sœur d’Isaac, ils vont se retrouver conviés à renouer avec le passé et à enfin vivre cette expérience de vie dans une yourte, au sein d’une communauté décroissante et en opposition avec un monde réprouvé. Propulsés pendant deux semaines dans ce groupe apparemment bienveillant, les invités sont accueillis avec joie. « La yourte ne demande qu’à s’agrandir » leur dit-on en guise de mot de bienvenu. Il y a là Gloria, petite rousse énergique, et sa copine Camille. On rencontre aussi Hélène, directive mais hyper cool. Il y a également Jojo, le magnétique et charismatique révolutionnaire qui rêve de faire tout sauter. On y aperçoit aussi Sybille, fervente adepte de toutes méthodes alternatives de se soigner l’âme et le corps.
Préalable à l’adhésion à la communauté : jeter ses démons dans le puits. Médiocrité, autorité, argent, ego et intolérance s’y retrouveront. Ces démons resteront-ils dans le puits ou se vengeront-ils ? On ne le révélera pas et on laisse au spectateur le plaisir de la découverte. Malgré la bienveillance, et les préoccupations écologiques légitimes du groupe, l’adhésion au projet est difficile pour Maxime, l’urbain hyper stressé (« je ne vais pas aller m’enfermer dans un endroit où ils sont douze à s’extasier devant un radis » dit-il ainsi). Mais à force de temps et de persuasion, la greffe prend et les sceptiques semblent rejoindre l’utopie.
Chacun des comédiens ne joue pas : il incarne une partition qui semble avoir été écrite pour lui ou elle. Parmi la troupe fort talentueuse, on nous permettra toutefois de désigner nos préférés : on a remarqué Gloria, jouée par Claire Bouanich : d’abord discrète et effacée, elle se révélera un véritable tyran dévastateur. On a aussi aimé Jojo, à qui Bastien Chevrot prête sa silhouette filiforme et son regard magnétique. Sans oublier Sybille, la perchée au visage rond et souvent illuminé, qui veut « créer une barrière énergétique pour empêcher la création d’un carrefour market ».
Lors de la rencontre que la troupe organise en fin de spectacle autour d’un excellent gaspacho, on en aura la confirmation : l’écriture s’est faite en se basant sur les comédiens, leurs physiques et leurs personnalités. On comprend ainsi mieux le sentiment de naturel qui envahit le spectateur. Et c’est une grande réussite : le style est peaufiné et on relève ça et là de petites perles auxquelles on rit derrière son masque (« ils te bloquent sous l’aisselle de Michel dans le métro et dans le sac de
Micheline pour que tu finisses dans un 4X4 » ; « il faut remettre l’homme au centre, en même temps, c’est parce que l’homme est au centre qu’on en est là » : ce ne sont là que deux des saillies drolatiques de ce spectacle).
Car il faut le dire et le proclamer : Yourte est un spectacle souvent très drôle auquel on adhère presque dés l’entrée dans la salle. Jeu et écriture, chorégraphies, musique, lumière et dispositif scénique riche mais pas encombrant, tout concourt à la réussite de cette création sans concessions. Les deux autrices, marie-Pierre Nalbandian et Gabrielle Chalmont (qui signe aussi l’excellente mise en scène) ont su s’inscrire dans l’air du temps en offrant une critique douce amère de leur génération en fédérant un rire intergénérationnel. Un bon moyen de renouer avec le spectacle vivant, très vivant !!

E.D



 
 
 
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