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- danse : Les ballets de Monte-Carlo dans Le songe au théâtre national de Chaillot (jusqu’au 15 juin)

le  08/06/2018   au théâtre national de Chaillot, place du trocadéo 75016 Paris (le 10/06 à 15h30, le 14/06 à 19h30 et les autres jours à 20h30)

Mise en scène de et chorégraphié par Jean-Christophe Maillot avec la troupe de danseurs écrit par William Shakespeare (sur des musiques de Felix Mendelssohn, Daniel Teruggi, et Bertrand Maillot)


Les ballets de Monte-Carlo joueront Le songe, d’après l’œuvre de William Shakespeare, au théâtre nationalde Chaillot du 8 au 15 juin.

Le Songe peut être considéré comme « la banque de données » de Jean-Christophe Maillot. Toutes les pistes de réflexion qu’il a développées au cours de sa carrière s’y retrouvent. Pour arriver à un tel un tel emboîtement et rendre possible « ce désir d’enfant de tout dire », il lui fallait un texte hors du commun : Le Songe d’une nuit d’été de Shakespeare. Télescopages improbables de personnages et de situations, cette pièce permet de faire tenir ensemble tous les possibles de sa danse.
Dans ses ballets narratifs précédant Le Songe, Jean-Christophe Maillot a souvent privilégié les oppositions binaires et les chocs frontaux pour confronter une vérité à une autre : ce sont par exemple les Capulet contre les Montaigu dans Roméo et Juliette, une jeune femme tyrannisée par sa belle-famille dans Cendrillon, Aurore affrontant l’ogresse dans La Belle. Avec Le Songe, un changement s’opère. Jean-Christophe Maillot dispose non plus de deux, mais de trois univers : celui des Athéniens, celui des Fées et celui des Artisans. Un mode ternaire se met en place et propose désormais des nuances entre le blanc et le noir. Les vérités perdent de leur superbe.
Les trois univers du Songe correspondent aux trois stades de maturité du danseur. Prenons l’univers des jeunes Athéniens : il est dynamique, rythmé et intense. Les mouvements suivent la partition d’un Mendelssohn âgé de dix-sept ans et exigent une physicalité qui est souvent le privilège de la jeunesse.
Jean-Christophe Maillot utilise ici une génération de jeunes danseurs pour l’énergie débordante dont ils disposent. Mais c’est une énergie qu’il faut aussi savoir canaliser par un accompagnement de chaque instant. Les Athéniens exécutent une chorégraphie écrite dans ses moindres détails. Le chorégraphe leur transmet un « texte chorégraphique » où chaque émotion, chaque réaction est anticipée. Cette forme de contrôle se retrouve dans les romances amoureuses de ces athéniens, bridées et conformes aux exigences de leurs aînés. L’univers des Athéniens est celui de la tradition qui parle pour les générations futures et creuse en leur nom ses propres sillons.
Le deuxième univers du Songe, celui des Fées, exige quant à lui des interprètes plus aguerris. Les personnages fantasques qui peuplent ce monde ésotérique n’en sont plus à leurs premiers émois. Ils vivent pleinement leurs désirs. La narration cède la place à une forme d’abstraction déconcertante car dans cet univers, l’érotisme sème la confusion. Il agite un monde fantasmé où l’individu s’abandonne aux pulsions et aux forces de la nature. Chaotique et charnel, l’univers des Fées fait entendre la musique acousmatique de Daniel Teruggi, une musique qui traduit l’ambivalence et la sensualité des corps.
Les sons nous surprennent, nous heurtent et nous confondent. La musique de Teruggi, ce sont les pulsions auxquelles on ne résiste pas. C’est le corps sexuel et transgressif. On pourrait penser qu’avec ces deux univers, tout est dit. Ce serait oublier un aspect essentiel du travail de Jean-Christophe Maillot : pour lui, le danseur est aussi un comédien (souvent itinérant si l’on considère les nombreuses tournées des Ballets de Monte-Carlo).
Cet attachement pour la vie de bohême et le théâtre ambulant définit le troisième univers du Songe : celui des Artisans. Cet univers est campé par quelques danseurs expérimentés « qui connaissent leur Maillot sur le bout des doigts ». Le chorégraphe a invité Nicolas Lormeau à rejoindre ce cercle restreint pour participer à l’élaboration de cet univers complètement décalé. Échappés du pavillon des fous, ces artisans excentriques interprètent une chorégraphie drôle et obsessionnelle qui reflète l’amour aveugle que tout artiste peut ressentir pour son oeuvre. Le Songe nous les montre débordant de passion et ne se souciant guère du jugement de goût. Le bon, le mauvais, le ridicule ou la peur de l’échec n’ont plus prise sur eux, les laissant à leur univers absurde, incompréhensible, imprévisible… et totalement libre.
La musique de Bertrand Maillot se fait l’écho fraternel du travail du chorégraphe. Ayant été le compositeur d’un de ses premiers ballets (Nébule en 1980 à Hambourg), sa musique dans une pièce si emblématique était aussi indispensable qu’évidente, tout comme la lumière de Dominique Drillot, les décors suspendus d’Ernest Pignon-Ernest et les costumes fantasques de Philippe Guillotel (dont le refus d’être totalement adulte évoque aussi chez Jean-Christophe Maillot le parfum d’un père qui a tant compté).
Pendant longtemps, Jean-Christophe Maillot a hésité à chorégraphier Le Songe (premier ballet qu’il a dansé chez John Neumeier en tant que soliste). « Je ne voulais pas livrer ma vision de cette œuvre avant que cela ne s’impose comme une évidence. Je me suis donc tourné vers d’autres textes, d’autres horizons, d’autres chemins… Et un jour, j’ai compris que le Songe se trouvait à leur croisée… »



 
 
 
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