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- expo : réouverture et exposition au musée Bourdelle à Paris (jusqu'au 16 juillet)

le  15/03/2023   au musée Bourdelle, 18 rue Antoine Bourdelle 75015 Paris

Mise en scène de Philippe Cognée (artiste) avec des peintures et des sculptures écrit par ou plutôt proposé par Ophélie Ferlier-Bouat, conservatrice en chef du patrimoine et directrice du musée Bourdelle


EXPOSITION INAUGURALE : « Philippe Cognée - La Peinture d'après. » (à partir du 29 mars)

Le 15 mars 2023, le musée Bourdelle rouvre la totalité de ses espaces après d’importants travaux de sauvegarde et de consolidation de son bâtiment le plus ancien, situé au cœur du musée. Engagée par la Ville de Paris et Paris Musées, cette rénovation opérée dans le respect du patrimoine architectural aura duré deux ans dont sept mois en fermeture totale du musée. Elle aura permis de rénover notamment l'atelier du sculpteur mais aussi de repenser complètement le parcours des collections, appuyé par une médiation innovante, et d’ouvrir un nouveau café-restaurant baptisé Le Rhodia, prénom de la fille de Bourdelle.

*À l’occasion de sa réouverture, le musée Bourdelle consacre à Philippe Cognée sa plus importante rétrospective à Paris.

Déployée dans l’aile conçue par Christian de Portzamparc, l’exposition « Philippe Cognée. La peinture d’après » est articulée autour du Catalogue de Bâle, un ensemble vertigineux d’un millier de pièces de l’artiste. Peintre, mais aussi sculpteur, Cognée dialogue avec ses pairs, parmi lesquels Antoine Bourdelle, figure tutélaire assumée.

Réalisé entre 2013 et 2015, cet ensemble est constitué d’un millier d’œuvres élaborées selon un même protocole : l’artiste, après avoir déchiré des pages issues des catalogues d’Art Basel, peint une copie de et sur la reproduction d’une œuvre – signée Jeff Koons, Pablo Picasso ou Alberto Giacometti ou d’un artiste moins célèbre, voire oublié. Cette repeinture, qui épouse le format exact de la reproduction photographique qu’elle vient recouvrir, conjoint donc, dans un même geste, dans un même mouvement, une disparition et une apparition.

Contrecollées sur aluminium, ces œuvres sont présentées les unes à côté des autres au cœur d’un long labyrinthe, formant une frise hypnotique. Pareilles à des photogrammes, elles dessinent un plan séquence ou un travelling. La peinture apparait ainsi comme un fil rouge, ou un fil d’Ariane…
Ce projet crucial est précédé par une longue séquence liminaire, qui atteste la préexistence et l’ancrage de notions majeures dans le travail de l’artiste : la « repeinture » et la prolifération formelle. Ainsi, des peintures et des sculptures rappellent combien Philippe Cognée s’emploie à explorer, depuis les années 80, le recouvrement par la peinture, la saturation optique et l’héritage de ses aînés – Velázquez, Ingres ou Rubens. L’artiste en est conscient : on peint toujours après, et d’après.
Enfin, une grande salle, comme piégée dans le labyrinthe, constitue la troisième séquence de cette exposition : tandis qu’une Tête de taureau (1989) – sculpture archaïsante évoquant le minotaure – fait face au Grand Masque tragique (1901) de Bourdelle, les cimaises accueillent six toiles monumentales et inédites appariant la fleur à la sculpture : l’une et l’autre ne sont-elles pas traversées par une même sève vitaliste, par un même principe de germination ?
Contemporain, un accrochage organisé par le musée de l’Orangerie voit Philippe Cognée dialoguer avec les Nymphéas de Claude Monet.

-PROLIFÉRATION ET REPEINTURE :
Au seuil des années 1990, Philippe Cognée inaugure un nouveau procédé : il repeint un ensemble de 285 photographies, prises par ses soins. Copiant un motif anodin, qui disparaît à mesure qu’il est recouvert, l’artiste rend le trivial à la peinture (Sans titre, 1991-1995).
Cet ensemble profus rappelle combien la prolifération est centrale dans le travail de Cognée qui, sans relâche, explore la saturation des grandes surfaces (Supermarché, 2003-2004), sculpte de nombreuses Têtes d’hommes (1989), exhaussées par une peinture gris-bleu, ou conçoit des centaines de terres de brique cuites, pareilles à des vanités (Nodules, 1991).
On ne peint jamais ex nihilo. On peint toujours après, et d’après – les œuvres anciennes et les grands maîtres, qu’il s’agisse de Velázquez, de Rubens ou d’Ingres. Non sans humour, Philippe Cognée réinvestit ainsi l’art ancien par sa technique de peinture à l’encaustique qui, singulière, engendre un monde tremblé, et troublé. Prolifération et repeinture : telles sont les deux opérations majeures qui président bientôt au Catalogue de Bâle.

-LE CATALOGUE DE BÂLE :
De 2013 à 2015, Philippe Cognée élabore Le Catalogue de Bâle, un ensemble saisissant par son ampleur – un millier d’œuvres – et son protocole – la systématisation de la repeinture. Chaque pièce est exécutée selon une même règle, qui confine au rituel : prélevant des pages aux catalogues de la foire Art Basel, l’artiste peint une copie de et sur des reproductions d’œuvres.
Ce geste comporte une dimension politique : ce qui n’était qu’une reproduction, qu’un artefact, redevient une œuvre à part entière, frappée par la gestualité et par la singularité, contre la marche impersonnelle du monde. Mettant toutes ces images à sa main, Philippe Cognée interroge la puissance iconique des œuvres premières – signées Georg Baselitz, Jeff Koons ou Pascale Marthine Tayou –, et les caprices du marché de l’art, avec ses discernements, ses oublis et ses angles morts.
Cet ensemble fut présenté partiellement à deux reprises : en 2016, à la fondation Fernet-Branca, à Saint-Louis, dans le Haut-Rhin, puis à l’automne 2018, à l’espace Jacques-Villeglé, à Saint-Gratien, dans la région parisienne. Il se déploie au musée Bourdelle dans son exhaustivité, selon un parcours linéaire et labyrinthique érigeant cette repeinture en fil d’Ariane.

-GERMINATION ET FINITUDE :
Depuis plusieurs années, Philippe Cognée s’intéresse à la chair des fleurs qui, épanouie ou fanée, triomphante ou putréfiée, engendre des formes baroques, serpentines et impétueuses. De même que la fleur, la sculpture, et en particulier celle d’Antoine Bourdelle, est éminemment organique, déploie dans l’espace son corps comme sa peau, convoite la lumière et abrite une sève fragile qui la soumet aux caprices du temps.
Partant de ce constat vitaliste, l’artiste a conçu six toiles monumentales qui, seules ou formant un triptyque, fouillent l’efflorescence de la sculpture, quand la germination porte en elle l’ombre de la finitude. Aux amaryllis blanches, qui dessinent une chorégraphie endiablée, pareille à celle de Loïe Fuller ou d’Isadora Duncan, répondent des pivoines voluptueuses, d’une sensualité débridée, et des lys qui, blancs comme le plâtre, évoquent les moules du sculpteur, ces chrysalides énigmatiques.
Ces références aux œuvres de Bourdelle – à l’énergie sauvage d’Héraklès archer (1906-1909) ou à la douceur silencieuse de Pénélope (1905-1912) – rappellent combien la sculpture irrigue le travail de Philippe Cognée, ainsi que le réaffirme le dialogue entre sa Tête de taureau (1989) et le Grand Masque tragique (1901) de son aîné.

*L’ARTISTE : Philippe Cognée vit et travaille à Vertou, près de Nantes. Présentées dans le monde entier, ses œuvres ont été célébrées par de nombreux écrivains, tels que Pierre Bergounioux et Marie Darrieussecq, et acquises par les plus grandes institutions (Centre Pompidou, Musée d’arts de Nantes, Fondation Cartier pour l’art contemporain, musée de la Chasse et de la Nature, Fonds national d’art contemporain, musée de Grenoble, …).
Depuis les années 1980, l’œuvre de Philippe Cognée revient inlassablement aux mêmes motifs, volontiers ordinaires, pour en fouiller la poésie muette. Une carcasse de viande, une chaise de jardin en plastique, un rayon de supermarché : dès lors qu’ils sont peints, l’infime gagne en grandeur, le quotidien en noblesse. En « faisant silence on renouvelle toute l'exposition des choses », comme l’écrit élégamment le philosophe Jean-Luc Nancy.
Pour explorer le visible, l’artiste recourt à la peinture à l’encaustique, qui consiste à employer comme liant de la cire d’abeille. La surface picturale est ensuite recouverte d’un film plastique puis chauffée à l’aide d’un fer à repasser. Ce mode opératoire engendre des œuvres singulières, dont la matière épaisse piège des images troubles, comme tremblées, qui hissent Cognée en copiste infatigablement nouveau. Nul paradoxe à cela, ainsi que l’énonce Baudelaire : « La modernité, c'est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l'art, dont l'autre moitié est l'éternel et l'immuable. »



 
 
 
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