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L’Iliade et l’Odyssée (jusqu’au 2 juin)

le  24/05/2019   au théâtre La Scala Paris, 13 boulevard de Strasbourg 75010 Paris (du mardi au samedi à 18h30 et dimanche à 15h pour l’Iliade puis à 21h et dimanche à 18h30 pour l’Odyssée)

Mise en scène de Pauline Bayle avec Manon Chircen, Soufian Khalil ,Viktoria Kozlova (en alternance avec Nadja Bourgeois les 25 et 26 mai), Mathilde Mery et Loïc Renard écrit par Homère




Arriver à respecter la narration, la forme et l’esprit de deux textes aussi touffus que L’Iliade et l’Odyssée, c’est le pari de Pauline Bayle qui a adapté, mis en scène et scénographié ce dyptique fondateur de la littérature. Elle propose la reprise de ce que l’on pourrait qualifier d’« Homère pour les nuls » à la Scala.
Chaque pièce peut se voir indépendamment l’une de l’autre même si le fait d’assister aux deux spectacles en une seule soirée permet d’en constater les différences. Les spectateurs que nous sommes connaissent tous les noms d’Agamemnon, d’Ajax et d’Ulysse (les grecs) mais aussi d’Hélène, Andromaque et Hector (les troyens) : ils sont enfouis aux tréfonds de notre mémoire mais au fil de la pièce, nous nous remémorons l’action.
Alors de quoi s’agit-il ? Petite révision à l’attention des cancres en Héllénisme : L’Iliade, c’est avant tout le récit d’une bataille, une guerre sanglante qui voit s’affronter les Grecs et les Troyens. 24 chants, 15337 vers pour raconter 6 jours et 6 nuits d’une guerre qui, au moment du récit, en est à sa 9ème année. Dés le début de la pièce, le spectateur est plongé au cœur de l’action : une armée doit être levée et on compte les troupes, nombreuses aux portes de la ville et de la salle (on n’en dira pas plus !).
S’ensuivront des scènes d’une grande sauvagerie. Mais que le spectateur se rassure cependant, la violence reste dans les mots et de fort belles compositions mettant en œuvre textures et lumières, suggérant les corps mutilés et la bataille qui avance telle une inexorable machine à broyer l’humain. Pendant ce temps, les dieux de l’Olympe ont de toutes autres préoccupations, même s’ils suivent d’un œil distrait la bataille qui se tient sur terre. Chacun a son camp et les luttes de pouvoir s’exercent aussi entre divinités.
Dans le récit épique fort bien restitué à travers cette adaptation courte (1h25), les dieux sont ici des caricatures, et la bataille alternativement évoquée par le récit des protagonistes et le chœur (antique forcément) reprenant les vers d’Homère. Parfois la langue du 21éme fait une brève incursion qui d’ailleurs fait s’esclaffer les nombreux lycéens dans le public notamment le soir de notre venue. Inutile de s’attarder sur le personnage interprété par tel ou tel comédien, les rôles tournent et sont incarnés alternativement par plusieurs comédiens, hommes et femmes. Au final, une brève trêve sera négociée pour permettre à Priam le troyen d’enterrer son fils Hector tué par Achille le grec.
Avec l’Odyssée, nous partons chez Pénélope dont le stratagème de tisseuse et détisseuse vient d’être découvert par les nombreux prétendants qui lui tournent autour, certains que son Ulysse de mari ne reviendra pas de son périple maritime. La paix qui règne ici n’est toutefois qu’apparente et chacun ici a le glaive chatouilleux et l’épée qui gratte. Alors, lorsqu’Ulysse, rentrera, inconnu dans son propre foyer, c’est la vengeance qui parlera semant la mort parmi ceux qui avaient investi sa maison et tourné autour de Pénélope.
C’est une forme de théâtre innovante sur un texte adapté d’un ancien à laquelle nous assistons à la Scala : l’avant du plateau est le porteur de la parole du chœur pendant que l’action se passe en arrière-plan. Les comédiens, tous impeccables, manquent parfois de personnalité. Qu’importe, Paulin Bayle a décidé que les cinq ne formeraient qu’une seule troupe, qu’un seul corps, se passant la parole et alternant d’un personnage à l’autre de manière évidente et fluide.
La metteuse en scène a choisi la métaphore visuelle pour rendre plus supportable les scènes de bataille et de mutilation des corps : c’est toujours inspiré et parfois superbe, à l’exemple de ces paillettes faisant office d’armure dont Achille se couvre bras et visage. Force est de constater, même auprès d’un public difficile (les lycéens évoqués plus tôt dans ce texte), que le spectacle atteint son but : nous faire comprendre cette épopée foisonnante sans trahir son esprit et susciter des images, fussent-elles violentes. Pour pouvoir en digérer la richesse, on suggérera toutefois de consacrer deux soirées à ces deux spectacles, l’un commençant à 18h30 et l’autre à 21h.

E.D



 
 
 
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