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Change me (jusqu’au 7 décembre)

le  27/11/2019   au théâtre Paris-Villette, 211 avenue Jean Jaurès 75019 Paris (du mercredi au samedi à 20h sauf vendredi à 19h et dimanche à 15h30)

Mise en scène de Camille Bernon et Simon Bourgade avec Camille Bernon, Pauline Bolcatto, Pauline Briand, Baptiste Chabauty et Mathieu Metral écrit par Ovide (Les métamorphoses)




Il en est de la notion de "genre" comme d'autres notions ; sur-utilisée, galvaudée, elle finit par être réduite à l'état de vague concept, désincarnée. Alors, lorsque l'on découvre que la pièce "change me" porte ce thème sur scène, on se rend au Théâtre Paris Villette avec une inquiétude teintée d'optimisme, gardant en mémoire ce que le cinéma en a fait : le superbe "Tomboy " ou, bien encore, plus récemment, le sublime "girl".
Dans cette œuvre théâtrale, le concept devient chair et le malaise trouve un visage : celui d'une jeune fille de 14 ans, qui déteste sa condition de future femme et décide d'entrer comme par effraction dans le cercle des garçons. Elle revêt ainsi la tenue de parfait caméléon : seins entravés par un bandage serré et renflement artificiel à l'entrejambe. Du sexe masculin post-pubère, elle adopte aussi tous les comportements jusqu'à la caricature : beuveries, discussions de beaufs au sujet des femmes avec qui l'on sort et avec qui l'on prétend avoir couché, rien ne manque à l'arsenal. Mais bientôt, l'intrus(e) sera repéré(e) et stigmatisé(e)...
C'est une troupe de comédiens vitaminés qui s'empare de ce texte en prise avec le quotidien : c'est bruyant, chaotique, caricatural mais parfois drôle. La forme du récit est originale : parallèlement à l'action, les protagonistes, filmés en vidéo, font le récit de la découverte de ce qu’ils ou elles qualifient de trahison ou de manipulation. Et tout à coup, le ton change : plus de vulgarité bravache, juste les mots qui claquent : « il faut qu’elle parte », comme si l’intrusion d’une femme dans leur univers testostéroné relevait de la pure infamie. Dans ce monde de stéréotypes où personne n’est dupe, elle est celle qu’il faut abattre… Les mecs resteront les mecs et les « meufs » là où on leur dit d’être.
Pour donner un sous-bassement historique à cette histoire d’une fille qui ne s’aimait pas, les deux auteurs ont choisi 2 supports historiques et littéraires en invoquant des figures du passé : Brandon Teena, jeune homme transgenre assassiné aux USA en 1993 et les métamorphoses d’Ovide. L’arrivée de la prose puissante d’Ovide tranche sur le style du texte de la pièce. Quant à l’intervention du « fait réel », il surgit sous forme de diffusion audio des minutes du procès et son sous-titrage sur écran. Et quel que soit l’intérêt littéraire de l’un et historique de l’autre, on ne peut que regretter que les ingrédients ne se mélangent pas.

E.D



 
 
 
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