Supervision (jusqu’au 8 février)

le  30/01/2020   au théâtre 14, 20 avenue Marc Sangnier 75014 Paris (mardi et mercredi à 20h, jeudi à 19h et samedi à 16h)

Mise en scène de Anne Théron avec Frédéric Fisbach, Julie Moreau et Adrien Serre écrit par Sonia Chiambre



Un peu douché par l’étrange accueil de la direction du Théâtre 14 lors de son inauguration, durant laquelle on nous avait enjoint à « cesser de nous complaire dans le divertissement », c’est un peu inquiet que l’on franchit à nouveau le seuil de la salle pour ce qui semble être le premier spectacle de la saison dans ce lieu sortant de 10 mois de travaux.
Sur un plateau noir, quelques meubles : un bar, un coin salon avec de profonds fauteuils, une table basse et une lampe. Dans ce décor unique, nous allons circuler dans plusieurs lieux mais dans un seul univers : celui des serveurs, cuisiniers, commis de cuisine, sauciers, chasseurs, femmes de ménage, gouvernantes, bref, le monde de ceux qui sont au service des autres dans ces hôtels ou restaurants que nous fréquentons parfois ou bien souvent. Attitude et obéissance, hiérarchie et contrôle, le spectateur suit d’abord la formation à l’école hôtelière de ces jeunes dont certains seulement sont là par choix : rien de misérabiliste ni dans le texte ni dans le jeu impeccable des trois comédiens qui, toujours sanglés dans leur tenue noire de serveur, incarnent tous ces élèves.
Mais très vite arrive le concret et, au plaisir de découvrir les coulisses d’un univers, s’ajoute l’intérêt pour la multiplicité des histoires humaines : Karl, le second de cuisine, qui fait son mea culpa et avoue « avoir pris la grosse tête » ; Anna, commis de salle, qui déclame son credo (sincère ou pas) : « servir me plait, j’oublie mes soucis ». Ils défilent ainsi, les Ruben, Cindy, Dylan. Il y a aussi Sami, dévoué qui dit oui à tout ; Pablo qui voulait être pâtissier mais qui s’est retrouvé orienté vers le métier de serveur par la (mauvaise) grâce de la décision de son lycée.
Humain tout autant que techniquement précis, le récit est aussi gestuel, voire chorégraphié. Car servir c’est aussi une succession de gestes : il faut toujours présenter un plat en se servant de la « main d’ouverture », la femme de chambre doit préparer à l’avance le linge frais dont elle va avoir besoin.
Partant d’une série d’entretiens avec des salariés de l’hôtellerie et de la restauration, menés par la sociologue Sylvie Monchatre, et mis en forme théâtrale par Sonia Chambretto, cette pièce aborde avec tact et habileté la question sociale dans ce monde si régenté et hiérarchisé. Tout n’est pas si rose au Palace Blue Hôtel ! C’est un spectacle tout aussi abordable que bien orchestré auquel on assiste donc au Théâtre 14. Les 3 comédiens, que sont Julie Moreau, Frédéric Fisbach et Adrien Serre, nous servent une partition parfaite sous la direction (la supervision ?) d’Anne Théron à la mise en scène.

E.D