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Jeanne (jusqu’au 31 mars à Paris puis à Avignon du 02 au 21 juillet)

le  31/03/2024   au théâtre de Belleville, 16 passage Piver 75011 Paris (dimanche à 20h, lundi et mardi à 19h / à Avignon tous les jours à 20h40 sauf les 08 et 15/07)

Mise en scène de Jérôme Wacquiez avec Alice Benoît, Michel Chiron, Makiko Kawaï et Radoslav Majerik écrit par Yan Allegret




Une femme a disparu. A l’issue d’une salve de messages téléphoniques angoissés de la part de son conjoint, on la découvre là, dans cette chambre d’hôtel où elle s’est réfugiée. Est-elle maltraitée ? Non. Est-elle menacée ? Non plus. Elle est juste lasse, elle ressent comme une envie d’être ailleurs, quitte à laisser tomber enfants et mari. Provisoirement ou définitivement ? On ne le saura pas.
C’est autour de cette mince intrigue que Yan Allegret a bâti « Jeanne », sa pièce, mise en scène et en espace par Jérôme Wacquiez. Emporté par un générique palpitant servi par une musique digne des meilleurs polars, le spectateur fait bientôt connaissance de Jeanne, en proie à un doute absolu, saisie par l’impérieuse nécessité d’un ailleurs loin de son foyer. « Il y a en moi quelque chose qui ne peut plus », dit-elle ainsi à Eloi, son mari lors d’un de leurs échanges téléphoniques. Même lorsque la rencontre avec ce dernier est envisagée, Jeanne fuit au dernier moment, et si la souffrance est du côté d’Eloi, qui tente d’expliquer l’inexplicable aux enfants, Jeanne n’est pas sereine pour autant.
C’est comme un long cheminement qu’elle entreprend ainsi tout au long de la pièce, sûrement à la recherche d’un sens à retrouver, d’une nouvelle direction à donner à sa vie. Dans un ingénieux dispositif scénographique, les deux époux se frôlent presque sans jamais se voir, communiquant uniquement au téléphone. Si Eloi se voit attribuer un espace plutôt neutre sur le plateau, représentant la quotidienneté, Jeanne chemine sur un ponton typique à l’architecture japonaise. Mais elle ne sera bientôt plus seule. Un étrange personnage tout vêtu de blanc (un ange gardien du nom de Lou Reed) l’accompagnera bientôt. Et, la suivant de loin en loin, un autre personnage, également tout de blanc vêtu, l’aide à cheminer dans sa quête.
De palpitante « Jeanne » devient poétique, et l’inspiration japonisante du metteur en scène y est sûrement pour beaucoup. Jouant sur les projections, et un décor multiforme dont tous les recoins sont exploités, « Jeanne » emporte le spectateur dans une douce rêverie très agréable. Certes, le spectacle n’est pas sans défauts ; on a envie de dire à Jeanne d’adoucir un peu sa voix et à Lou Reed de chanter un peu plus juste. On en veut aussi parfois au metteur en scène de nous perdre un peu.
Mais force est de l’admettre, plusieurs jours après la représentation, on garde en mémoire des images de ce spectacle qui développe une belle ambition, celle d’associer des talents, comédiens, musicien, vidéaste, scénographe et metteur en scène pour donner de l’ampleur et aider à comprendre un texte. N’est ce pas là la vocation du spectacle vivant, et du théâtre en particulier ?

Eric Dotter



 
 
 
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