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Suzanne – la vie étrangère de Paul Grappe (jusqu'au 2 juin)

le  20/04/2018   au théâtre Lucernaire, 53 rue Notre-Dame-des-Champs 75006 Paris (du mardi au samedi à 21h)

Mise en scène de Julie Dessaivre avec Eloïse Bloch, Edouard Demanche, Constance Gueugnier, Zacharie Narmi, Léa Rivière, et en alternance Anaïs Casteran, Matthieu Fayette et Julie Dessaivre, écrit par Julie Dessaivre




Pour échapper à l’immense boucherie inutile que fut la première guerre mondiale, ils ont été nombreux à déserter. Selon les chiffres de l’armée française (les informations étant classées secret défense pour 100 ans !), ce ne sont pas moins de 15 000 hommes qui ont fui ses rangs tous les ans de ce conflit dont on pensait qu’il ne durerait que quelques mois.
Paul Grappe est l’un de ceux-là. Après s’être mutilé en se tirant une balle dans le doigt, sans que le subterfuge connu de l’armée n’ait été détecté, il est menacé de mort ou d’être renvoyé au front par ses supérieurs (ce qui revient plus ou moins au même !). Paul Grappe prend alors la décision de se cacher chez lui, traqué par la police. Et cela n’est que le début de l’intrigue de « Suzanne » qui est présentée actuellement au théâtre du Lucernaire.
Tout commence par un mariage sous les bombes. Un mariage à la va-vite entre Paul Grappe et Louise Landry. Dès le début, les relations ne tournent pas au beau fixe : Paul est un mari violent.
Alors, lorsque traqué pour désertion, il va devoir se cacher chez lui, les choses empirent : il boit et tous les jours, ce ne sont que cris et coups qui pleuvent sur Louise. Un jour cependant, Louise, qui est couturière dans un atelier, revient avec une idée et quelques robes : elle les fera essayer à Paul sous nos yeux à travers une scène particulièrement réussie, dans la pénombre. En quelques minutes, Paul deviendra…Suzanne. Une Suzanne d’abord maladroite puis de plus en plus féminine.
Mais, homme comme femme, Paul reste un mari violent et de plus en plus alcoolique, rongé par l’oisiveté. Alors, dans cette société apparemment corsetée, Suzanne, devenue femme fatale semble trouver une échappatoire dans des soirées de débauche au « bois ». Là, les sexes et les classes sociales sont abolis et le sexe libre règne en maître. Suzanne, très courtisée et convoitée trouvera sa vraie place. Quoi qu’il en soit, la déliquescence du couple suit son cours. Une séparation et une retrouvaille n’empêcheront pas l’inéluctable : Louise se libèrera en tuant Paul. Un procès s’ensuivra dont l’issue et les termes du jugement ont de quoi surprendre la femme ou l’homme du XXIème siècle.
Malgré l’évidente bonne volonté des acteurs et les originalités de mise en scène, on a cependant du mal à croire aux personnages Les changements et décors se font à vue et en chansons par les comédiens/chanteurs qui interprètent (fort bien) les tubes de l’époque mais la distribution semble bien jeune et écrasé par leur rôle respectif. Ainsi Paul/Suzanne, joué par Mathieu Fayette le soir de notre venue, peine ainsi à nous faire adhérer à un changement d’humeur trop soudain pour être crédible. Anaïs Casteran, qui interprète (en alternance) Louise, l’épouse de Paul/Suzanne, est encore plus en retrait que ne le justifierait son rôle de femme soumise. Quant à la narratrice Lucie, interprétée par Eloïse Bloch, on ne comprend tout simplement pas quelle est sa place dans la narration. Enfin, il y a la concierge, Madame Massin (Constance Gueugnier le soir de notre venue) qui tire son épingle du jeu, mais dans un registre populo-rigolard un peu à côté du reste des comédiens.
L’entreprise est sympathique et parfois plutôt talentueuse mais le spectateur sort frustré car tout cela manque cruellement d’émotions. L’histoire est inspirée d’un délit anecdotique maintes fois adapté, d’abord sous forme d’un livre « la Garçonne et l’assassin » paru en 2011 et signé par deux historiens, Fabrice Virgili et Danièle Voldman. Il y eut ensuite une BD « mauvais genre » signée en 2013 de Chloé Cruchaudet. Et c’est ensuite André Téchiné qui s’est emparé de cette histoire en réalisant en 2017 « Nos années folles ». Voici désormais la pièce de théâtre qui complète l’approche de ce fait divers qui fit les gros titres des journaux du début du 20ème siècle.

E.D



 
 
 
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