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Dévaste-moi (jusqu'au 8 juillet puis en tournée jusqu'au 29 mars 2019)

le  05/07/2018   au Maison des Métallos, 94 rue Jean-Pierre Timbaud 75011 Paris (mardi, mercredi et vendredi à 20h, jeudi et samedi à 19h, et dimanche à 16h), le 17/07 au festival Contre-Courant - OFF Avignon, le 24/07 au festival Mimos à Périgueux...

Mise en scène de Yan Raballand avec Emmanuelle Laborit, Corinne Gache en voix off et 5 musiciens écrit par Johanny Bert




Enfant, la petite Emmanuelle Laborit était déjà « sourde comme un pot », pour reprendre son expression. Mais un jour, son oncle Fifou lui fit mordre le manche de sa guitare pendant qu’il en jouait et Emmanuelle devint « dingue de musique ». Pas étonnant alors à ce que la comédienne, Molière de la révélation 1993 pour son rôle dans « Les enfants du silence », soit au centre de ce spectacle musical du nom de « Dévaste-moi », reprise du titre d’une des chansons de Brigitte Fontaine.
La comédienne y « chansigne » de grands tubes, depuis Bizet (et son « Carmen ») jusqu’à Bashung, (et son « Madame rêve »), en passant par le « Fais-moi mal Johnny » de Boris Vian. Emmanuelle Laborit interprète en langue des signes et de tout son corps les paroles des chansons dont le texte défile sur un écran placé derrière elle, pendant que les musiciens du Délano Orchestra (guitare, basse, percussion, clavier, violoncelle) en exécutent la musique avec brio et dans une orchestration souvent maline.
Même si le dispositif parait simple - un plateau central surélevé, aire de jeu de la comédienne et 5 musiciens qui l’entourent en contrebas -, le spectacle fait appel à la technique pour en faire plus qu’un simple « seule en scène » : lumières, projections, traduction en voix off, sur-titrage, tout est fait pour qu’entendants et sourds soient associés au « show ».
Le chansigne, c’est cette façon dont Emmanuelle Laborit s’empare des chansons : non seulement elle utilise les gestes propres à la langue des signes mais elle les prolonge dans une sorte de chorégraphie. D’ailleurs, c’est parfois pataud. Emmanuelle Laborit n’est pas une danseuse et ça se voit : elle minaude aussi quelquefois et joue à la diva, s’extrayant ainsi involontairement du spectacle. Mais, au final, son énergie et son humour l’emportent. Elle parle certes de son sort de sourde (ah, les avantages de ne pas entendre les enfants hurler, les bruits de la ville résonner et les lourdingues la siffler dans la rue !), mais aussi et surtout de son sort de femme. Elle revêt ainsi tout à tour le costume de la pénitente, celui de l’hyper femme dont le corps boursouflé et tout en formes lui permet de chansigner (« vous vous demandez quelle femme je suis, que faire avec mon corps »), celui de la bigote sanglée dans sa robe au col montant qui laisse bientôt place à la délurée, croqueuse d’homme.
Le choix des chansons est toujours judicieux : on retiendra pour mémoire le tango de la ménopause (« 35 ans, tous les 28 jours, tu es ma plus belle histoire d’amour ») et l’alternance entre « l’amour c’est du pipeau » et « un jour mon prince viendra ». Quant aux musiciens, ils sont impeccables, y compris dans un simulacre d’orchestre sans instruments qu’ils interprètent seuls à titre de bref entracte.
Tour à tour, tragédie, cabaret, récital, « Dévaste-moi » est tout sauf un plaidoyer larmoyant évoquant la difficulté d’un handicap. C’est un spectacle vivant, énergique et enthousiasmant que l’on applaudira des deux mains, comme les entendants, ou en levant les bras et en mettant ses mains en rotation…

E.D



 
 
 
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