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Vipère au poing (jusqu’au 13 janvier 2019)

le  20/09/2018   au théâtre Ranelagh, 5 rue des Vignes 75016 Paris (du mercredi au samedi à 19h et dimanche à 15h)

Mise en scène de Victoria Ribeiro avec Aurélien Houver écrit par Hervé Bazin




« Vipère au poing » fait parte des lectures de l’adolescence, et il est vraisemblable que, les uns les autres, nous avions oublié la tension provoquée par sa lecture. En coadaptant ce beau texte, présenté pour la première fois sur scène, Aurélien Houver, qui l’incarne avec force, fait claquer les mots de l’auteur qui publia en 1948 ce roman « à 25% autobiographique ».
De quoi s’agit-il ? Rien de moins qu’une guerre d’abord larvée puis ouverte entre un fils et sa mère. Une guerre de tranchées qui monte crescendo au fil du roman et donc au fil de cette pièce. D’un côté, il y a la mère, Madame Rézeau, surnommé Folcoche, douce appellation trouvée par l’un de ses enfants, contraction astucieuse de Folle et de cochonne. De l‘autre, Jean, surnommé par sa génitrice ‘Brasse Bouillon », une appellation qu’il déteste.
Tout commence par l’arrivée à la gare de Madame Rézeau et de son insignifiant mari : elle vient prendre livraison de ses enfants qu’elle avait laissés en garde à la campagne. Dés la première minute, le ton est donné : la mère repousse les assauts de ses enfants, venus pourtant tenter de la saluer en l’embrassant. Au fur et à mesure de la reprise de pouvoir de la mère sur ses enfants laissés trop libres pendant son absence, se succèdent les très banales sanctions du type « privation de dessert », « fessées », « élévation mystique ».
Aurélien Houver incarne à lui seul le récit de Bazin et il campe Jean, alias Brasse Bouillon, en enfant animé voire turbulent (normal donc) puis enfin révolté. Mais c’est également lui qui prête sa silhouette à Folcoche ; une immobilité du corps, un regard méprisant et le tour est joué : la tortionnaire glaçante est présente sur le plateau. Bientôt, les sanctions montent en gamme : Folcoche « affirme son autorité sur de nouvelles vexations » et la haine grandit dans le cœur de Jean («Folcoche m’était devenue indispensable comme la rente pour l’infirme qui vit de ses blessures »). Peu à peu, le comédien, un peu timoré au début de la pièce, s’affirme et parvient à susciter la colère du spectateur, révolté par les injustices subies par Jean et ses frères. On se surprend presque à jubiler quand Folcoche tombe gravement malade et que Jean le traduit dans ses mots « Nous respirons mieux depuis qu’elle étouffe ».
A l’écoute de ce court spectacle sans prétentions, on comprend mieux que la fragile Colette se soit opposée à attribuer le Goncourt à Hervé Bazin pour cette « Vipère au poing », tant la tension y est vive et Folcoche monstrueuse.

E.D



 
 
 
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