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Là-bas, de l’autre côté de l’eau (sur Culturebox)

le  20/03/2022   au théâtre La Bruyère (le 20/03 à 21h10 sur Culturebox)

Mise en scène de Xavier Lemaire avec Isabelle Andréani, Hugo Lebreton, Kamel Isker, Noémie Bianco, Maud Forget, Chadia Amajod, Teddy Melis, Franck Jouglas, Patrick Chayriguès, Julien Urrutia, Laurent Letellier et Xavier Kutalian écrit par P.O. Scotto et Xavier Lemaire




C’est à un double pari que se livre le Théâtre La Bruyère en présentant « Là-bas, de l’autre côté de l’eau » : traiter des années 1956-62 en Algérie et en France, thème délicat s’il en est, et mettre 12 comédiens sur scène, en des temps où la mode serait plutôt au solo scénique.
Tout au long de ces 2h30 de spectacle, on suit ainsi la saga de la famille de Marthe, française d’origine italienne, implantée en Algérie, veuve endeuillée par l’assassinat de son mari lors de ce que l’on ne qualifie pas encore de guerre d’Algérie. Elle y exploite une huilerie et, entourée de ses filles, y vit le paradoxe de la haine pour les « arabes du dehors » opposé à l’amour de ceux qui, employés ou domestiques, l’entourent depuis toujours. France, la plus grande des filles de Marthe, y vivra bientôt un amour interdit pour Moktar, jeune employé de l’huilerie familiale.
De l’autre côte de l’eau, à Montrouge, Jean Paul s’apprête à quitter le bar-restaurant de son père, où il a grandi, pour s’engager dans l’armée française de l’autre côté de la Méditerranée, « ici ce n’est pas la guerre », dira-t-il avant de perdre ses illusions, « nous sommes les gardiens de la République ». De son côté, Moktar s’engagera fort logiquement dans une cellule du FLN, « France », dira-t-il à celle qu’il aime, « j’aime ton prénom quand je déteste de plus ne plus ton pays ».
Amours déchirantes, soldat déchiré, deuil, violence, bombes et attentats, Les 33 tableaux déroulent avec soin la complexité de la situation et des situations personnelles qui s’entrecroisent. Le parti pris de courtes saynètes, devenu souvent dans le théâtre contemporain le palliatif à une absence d’inspiration dans l’écriture, prend ici tout son sens : France, Algérie, FLN, Huilerie de Marthe, on saute d’une séquence à l’autre avec facilité, le dispositif scénique ingénieux et le talent des comédiens rendent ici le récit palpitant et parfois émouvant.
On regrettera parfois la naïveté du propos, notamment lorsqu’il s’agit de décrire une situation politique que l’auteur s’emploie à simplifier. On émettra aussi quelques réserves sur les scènes d’action, peu crédibles. Mais ce léger défaut est largement compensé par l’enthousiasme d’une troupe polyvalente et talentueuse.
Aucun plaidoyer ni réquisitoire ici, juste une description de faits historiques regardées à hauteur d’hommes et de femmes. Et un constat bien résumé en une mélopée finale amère : « l’aube est horriblement belle ce matin de juin ». On est en 1962 et l’Algérie vient de gagner son indépendance.

E.D



 
 
 
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